Les échos rocailleux de l'Histoire
... et des histoires
Chacun sait qu’un chapon est un jeune coq qui a été victime d’un saisissant coup du sort… Ce raccourcissement fatal rejoint cependant une noble cause, puisque la volaille, castrée pour être engraissée, est synonyme de bonne chère, de mets de qualité qui se consomment à l’occasion de belles fêtes familiales.
Le restaurant « Le Chapon Fin », situé rue Montesquieu, est en accord avec cette image positive puisque proposant une cuisine fine et élaborée dans un lieu rare et raffiné.
Créé en 1825, il est le plus vieux restaurant de Bordeaux et l’un des premiers à avoir été triplement étoilé par un guide qui proclame des sentences redoutées et écoutées. Ici plane le poids de l’Histoire et la légèreté suave d’un lieu de raffinement. Tout semble avoir été agencé pour que le plaisir de la table se conjugue harmonieusement avec le cadre enchanteur conçu en 1900.
Ce lieu dégage une magie qui se livre avec une complicité pudique. Les alcôves nous susurrent la richesse friponne et prometteuse des rendez-vous galants. Les rocailles exhalent avec indiscrétion les échos des dialogues politiques, culturels ou économiques dont elles furent les témoins. Le lieu nous parle de ces repas délicats servis sans fausse note et rythmés par l’orchestration impeccable du sommelier. Nos yeux décèlent l’ambiance heureuse et insouciante qui accompagna les nombreux mariages qui s’y déroulèrent naguère. Et ma mémoire me rappelle que c’est là que j’ai pris timidement dans mes bras la première jeune fille...
L’affaire avait pieusement commencé. C’est sur cet emplacement que le couvent des Récollets déployait le faste de ses jardins et de ses bâtiments. Mais la confiscation des biens du clergé qui accompagna la Révolution entraîna la création de la place des Grands Hommes, générant aussitôt la création de restaurants. Parmi eux, « Le Chapon fin » qui draina la clientèle du marché et du Théâtre Français, tous deux voisins immédiats.
La table devint vite réputée, les Bordelais venant y manger nombreux tout en côtoyant les artistes. En 1853 le maître des lieux, Jean Riom, acheta les immeubles attenants ainsi qu’un jardin planté de platanes, rasa l’ensemble et édifia l’hôtel-restaurant du « Chapon Fin » avec une cour intérieure permettant l’accueil des fiacres et des chevaux.
Après la mort de Jean Riom, Louis Mendiodo maintint la qualité du lieu à son plus haut niveau, tout en orientant particulièrement ses efforts sur le restaurant. La cour intérieure devint salle à manger, le superbe décor de rocailles y fut installé et un grand chef de Paris, Joseph Sicart, prit possession des fourneaux en 1898. Il tiendra avec brio la queue des casseroles, cassolettes et autres ustensiles de cuisine durant soixante-deux années.
Les heures de gloire de l’établissement défilèrent dans le grand sablier, faisant courir les négociants bordelais, les voyageurs en route vers la côte basque, le tout Paris, les artistes, les têtes couronnées : Toulouse-Lautrec, Sarah Bernardt, Sacha Guitry, Cécile Sorel, mais aussi le sultan du Maroc et le roi d’Espagne, Alphonse XIII qui semblait aussi bien apprécier les côtelettes d’agneau aux légumes nouveaux que les jolies Bordelaises. En effet, ce dernier venait régulièrement consommer et savourer les généreux produits de notre terroir. Toutes les productions locales...
Le Chapon Fin devint la table de référence des esthètes, le point de rencontre obligé des amoureux de la gastronomie et le lieu d’escapade favori des amoureux du corps et de l’âme. L’ingéniosité du chef, l’inventivité des plats, le raffinement des mets, le service soigné, l’unicité du cadre firent toute la renommée et la bonne réputation d’un endroit qui illustra le climat qui prévalait à Bordeaux durant « La Belle Epoque ».
Le restaurant « Le Chapon Fin », situé rue Montesquieu, est en accord avec cette image positive puisque proposant une cuisine fine et élaborée dans un lieu rare et raffiné.
Créé en 1825, il est le plus vieux restaurant de Bordeaux et l’un des premiers à avoir été triplement étoilé par un guide qui proclame des sentences redoutées et écoutées. Ici plane le poids de l’Histoire et la légèreté suave d’un lieu de raffinement. Tout semble avoir été agencé pour que le plaisir de la table se conjugue harmonieusement avec le cadre enchanteur conçu en 1900.
Ce lieu dégage une magie qui se livre avec une complicité pudique. Les alcôves nous susurrent la richesse friponne et prometteuse des rendez-vous galants. Les rocailles exhalent avec indiscrétion les échos des dialogues politiques, culturels ou économiques dont elles furent les témoins. Le lieu nous parle de ces repas délicats servis sans fausse note et rythmés par l’orchestration impeccable du sommelier. Nos yeux décèlent l’ambiance heureuse et insouciante qui accompagna les nombreux mariages qui s’y déroulèrent naguère. Et ma mémoire me rappelle que c’est là que j’ai pris timidement dans mes bras la première jeune fille...
L’affaire avait pieusement commencé. C’est sur cet emplacement que le couvent des Récollets déployait le faste de ses jardins et de ses bâtiments. Mais la confiscation des biens du clergé qui accompagna la Révolution entraîna la création de la place des Grands Hommes, générant aussitôt la création de restaurants. Parmi eux, « Le Chapon fin » qui draina la clientèle du marché et du Théâtre Français, tous deux voisins immédiats.
La table devint vite réputée, les Bordelais venant y manger nombreux tout en côtoyant les artistes. En 1853 le maître des lieux, Jean Riom, acheta les immeubles attenants ainsi qu’un jardin planté de platanes, rasa l’ensemble et édifia l’hôtel-restaurant du « Chapon Fin » avec une cour intérieure permettant l’accueil des fiacres et des chevaux.
Après la mort de Jean Riom, Louis Mendiodo maintint la qualité du lieu à son plus haut niveau, tout en orientant particulièrement ses efforts sur le restaurant. La cour intérieure devint salle à manger, le superbe décor de rocailles y fut installé et un grand chef de Paris, Joseph Sicart, prit possession des fourneaux en 1898. Il tiendra avec brio la queue des casseroles, cassolettes et autres ustensiles de cuisine durant soixante-deux années.
Les heures de gloire de l’établissement défilèrent dans le grand sablier, faisant courir les négociants bordelais, les voyageurs en route vers la côte basque, le tout Paris, les artistes, les têtes couronnées : Toulouse-Lautrec, Sarah Bernardt, Sacha Guitry, Cécile Sorel, mais aussi le sultan du Maroc et le roi d’Espagne, Alphonse XIII qui semblait aussi bien apprécier les côtelettes d’agneau aux légumes nouveaux que les jolies Bordelaises. En effet, ce dernier venait régulièrement consommer et savourer les généreux produits de notre terroir. Toutes les productions locales...
Le Chapon Fin devint la table de référence des esthètes, le point de rencontre obligé des amoureux de la gastronomie et le lieu d’escapade favori des amoureux du corps et de l’âme. L’ingéniosité du chef, l’inventivité des plats, le raffinement des mets, le service soigné, l’unicité du cadre firent toute la renommée et la bonne réputation d’un endroit qui illustra le climat qui prévalait à Bordeaux durant « La Belle Epoque ».
Les personnalités avaient leurs tables réservées. Alphonse XIII se faisait composer des menus gravés à son nom. La grande Histoire s’esquissait, les petites histoires se nouaient, se dénouaient, voire s’entrelaçaient. On mondanisait, on dégustait, on rivalisait d’élégance, on déployait frivolité et bien-être… sous les bons auspices toujours efficaces des châteaux Yquem, Petrus, Angelus et autres Armagnacs millésimés. Sans oublier les regards célestes et dénués d’esprit de revanche des bons vieux moines du couvent des Récollets, sans doute émus par la nouvelle et authentique ferveur qui imprégnait les lieux. Une religion en remplaçait une autre…
Trois fois dans l’Histoire de France, les gouvernements trouvèrent refuge à Bordeaux. Si ce fut un malheur pour la France, ce fut une joie pour l’estomac délicat de nos gouvernants qui tinrent table ouverte dans le prestigieux restaurant. En 1914, le Tigre, Georges Clemenceau, dévora à belles dents mets fins et spécialités maison aux côtés d’Aristide Briand, de Raymond Poincaré et autre responsables nationaux.
On remit le couvert au début de la seconde guerre mondiale. En juin 1940, les convives d’alors étaient Edouard Daladier, Paul Reynaud, Edouard Herriot, Vincent Auriol… C’est là qu’un soir, alors qu’il dégustait des cerises, Georges Mandel fut arrêté par un commandant de gendarmerie peu scrupuleux d’interrompre le dîner du grand homme qui dit fermement :
- « Vous me permettrez au moins d’achever mon repas ».
En 1960, âgé de 89 ans, Joseph Sicard passa la main. Il exerça son art avec passion et talent. Flegmatique devant l’adversité, heureux et souriant face à la réussite, il fut toujours d’une régularité sans faille dans les prestations offertes.
Aujourd’hui, l’art culinaire, l’esprit de perfection et de création perdurent dans un établissement qui n’a rien perdu de son charme et qui a su conserver l’âme qui en fait toute la renommée.
Foie gras de canard confit, crème de romarin et gelée de porto… Saint-Jacques sur une émulsion fraîche de poireaux à la réglisse, compote de tomates au pavot… Ris de veau piqué de clous de girofle, tombée de poireaux aux truffes et noix de pécan…autant de plaisirs gastronomiques proposés avec respect et qui trouveront leur accompagnement parfait grâce aux conseils éclairés et à la richesse d’une bonne cave.
Trois fois dans l’Histoire de France, les gouvernements trouvèrent refuge à Bordeaux. Si ce fut un malheur pour la France, ce fut une joie pour l’estomac délicat de nos gouvernants qui tinrent table ouverte dans le prestigieux restaurant. En 1914, le Tigre, Georges Clemenceau, dévora à belles dents mets fins et spécialités maison aux côtés d’Aristide Briand, de Raymond Poincaré et autre responsables nationaux.
On remit le couvert au début de la seconde guerre mondiale. En juin 1940, les convives d’alors étaient Edouard Daladier, Paul Reynaud, Edouard Herriot, Vincent Auriol… C’est là qu’un soir, alors qu’il dégustait des cerises, Georges Mandel fut arrêté par un commandant de gendarmerie peu scrupuleux d’interrompre le dîner du grand homme qui dit fermement :
- « Vous me permettrez au moins d’achever mon repas ».
En 1960, âgé de 89 ans, Joseph Sicard passa la main. Il exerça son art avec passion et talent. Flegmatique devant l’adversité, heureux et souriant face à la réussite, il fut toujours d’une régularité sans faille dans les prestations offertes.
Aujourd’hui, l’art culinaire, l’esprit de perfection et de création perdurent dans un établissement qui n’a rien perdu de son charme et qui a su conserver l’âme qui en fait toute la renommée.
Foie gras de canard confit, crème de romarin et gelée de porto… Saint-Jacques sur une émulsion fraîche de poireaux à la réglisse, compote de tomates au pavot… Ris de veau piqué de clous de girofle, tombée de poireaux aux truffes et noix de pécan…autant de plaisirs gastronomiques proposés avec respect et qui trouveront leur accompagnement parfait grâce aux conseils éclairés et à la richesse d’une bonne cave.
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