LE SILENCE DE DIEU
« Elie, Elie, lama sabachthani ? » …
« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »,
Terrible interrogation de Jésus sur la croix lorsqu’il interpelle son père, absent durant son long calvaire. Même lui ! Même le fils du Tout Puissant se sentit
délaissé et exprima son ultime prière dans le silence de Dieu.
« Où est ma foi ? Tout au fond de moi, il n’y a rien d’autre que le vide et l’obscurité. Mon Dieu, que cette souffrance inconnue est douloureuse ! ». Comme Sainte Thérèse de Lisieux dont elle prit le prénom, mère Teresa fut confrontée au doute. Et pas n’importe lequel. Un doute qui l’accompagna
et lui infligea un questionnement durant cinquante années de sa vie.
Ainsi, derrière le sourire et la bienveillance, au-delà des mains nouées dans la prière, par-delà la foi et les discours qu’elle dispensait envers les miséreux de la terre, elle cachait le plus profond des tourments mystiques et certainement la plus grande des
souffrances : «S'il y a un Dieu… s'il vous plaît pardonnez-moi. Quand j'essaie de me tourner vers le Paradis, il y a un tel vide coupable...». Son sourire n’était qu’un « masque » confessa-t-elle…
Ce doute a quelque chose de réconfortant pour nous, confrontés à nos errements humains et aux interrogations sur le sens de l’existence. Comment
croire en Dieu quand le Tsunami fauche des milliers de vies, que le SIDA emporte dans d’atroces souffrances des êtres chers, qu’un accident domestique vient injustement ôter la vie d’un enfant, qu’une petite fille périt, lentement enlisée, sous les yeux du monde entier…
Je me souviens de l’un de mes amis. Il
perdit sa femme dans une maladie trop classique qui l’enleva à l’affection de ses trois enfants en quatre mois. La douleur emprisonnait tout son être, ses yeux aveuglés de larmes nous renvoyaient à d’essentiels questionnements. Lors des obsèques, tandis que l’assistance recueillie écoutait le prêtre lire les Béatitudes ( « Heureux les affligés, car ils seront consolés »,…) , il se leva, prit vertement la place de l’officiant pour
clamer une colère qui valait bien des prières. Sa souffrance ici-bas s’accommodait bien mal d’une espérance pour demain. Ses enfants, innocents orphelins souffraient cruellement et ne verraient plus le visage beau et rayonnant de leur maman. Une tragique injustice avait volé leur bonheur quotidien…

Comment ne pas douter lorsque, implorant notre pain quotidien, ce même quotidien est injuste et laid. « Elie, Elie, lama sabachthani ? »
Ce doute confère à Mère Teresa une humanité plus grande encore. On la croyait
enracinée dans d’inébranlables certitudes… On la découvre fragile et, comme nous, elle s’interroge, ce qui prodigue encore plus de beauté à son parcours de bienfaisance.
N’oublions pas. Sur la croix, Dieu nous appelle à douter. Et Bouddha prêche en ce sens lorsqu’il nous dit : "Doutez de tout et surtout de ce que je vais vous dire".
« Elie, Elie, lama sabachthani ? » …
« Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? »,
Terrible interrogation de Jésus sur la croix lorsqu’il interpelle son père, absent durant son long calvaire. Même lui ! Même le fils du Tout Puissant se sentit
« Où est ma foi ? Tout au fond de moi, il n’y a rien d’autre que le vide et l’obscurité. Mon Dieu, que cette souffrance inconnue est douloureuse ! ». Comme Sainte Thérèse de Lisieux dont elle prit le prénom, mère Teresa fut confrontée au doute. Et pas n’importe lequel. Un doute qui l’accompagna
Ainsi, derrière le sourire et la bienveillance, au-delà des mains nouées dans la prière, par-delà la foi et les discours qu’elle dispensait envers les miséreux de la terre, elle cachait le plus profond des tourments mystiques et certainement la plus grande des
Ce doute a quelque chose de réconfortant pour nous, confrontés à nos errements humains et aux interrogations sur le sens de l’existence. Comment
Je me souviens de l’un de mes amis. Il
Comment ne pas douter lorsque, implorant notre pain quotidien, ce même quotidien est injuste et laid. « Elie, Elie, lama sabachthani ? »
Ce doute confère à Mère Teresa une humanité plus grande encore. On la croyait
N’oublions pas. Sur la croix, Dieu nous appelle à douter. Et Bouddha prêche en ce sens lorsqu’il nous dit : "Doutez de tout et surtout de ce que je vais vous dire".
Car le doute est salvateur. Il nous permet d’avancer et de construire dans la sagesse. "E pur, si muove"… « Et pourtant elle tourne » dit Galilée qui osa transgresser le dogme dominant du XVIIème qui voulait que le soleil tourne autour de la terre, centre de l’univers. Condamné à la prison à vie par l’inquisition, il fut réhabilité en… 1992.
Et Socrate, qui s’interrogeait du matin au soir, discutait avec la jeunesse d’Athènes en tentant de la rendre plus sage tout en lui montrant la candeur de ses croyances. Affirmant « Je sais que je ne sais rien », il posa les bases de l’introspection individuelle, salutaire pour tous, avec son célèbre « Connais-toi toi-même ».
Réfutant les déités de la cité, il comprit que Dieu était une question de foi et non de démonstration scientifique. Dès lors, suspecté de saper les fondements de l’ordre social, il fut condamné à boire de la cigüe…
Oui, le doute est gage d’humilité, d’humanité, et témoigne d’un esprit structuré et vif. Arrogant est celui qui jouit béatement des certitudes qu’il
Ainsi, par le truchement de l’hésitation

A la fin de ses jours, Jean Gabin, acteur à la vie bien remplie reconnaissait qu’il ne savait rien. « C’est tout ce que je sais, mais ça, je le sais ». Et le regretté Pierre Desproges, inénarrable Monsieur Cyclopéde, affirmait sa conviction : « La seule certitude que j’ai, c’est d’être dans le doute ».
Tout n’est pas démontré, fruit de vérités scientifiques passées au crible de l’analyse. Il existe donc une sphère de l’irrationnel qui échappe à la connaissance humaine et qui laisse à chacun la
Tout n’est donc qu’une question de foi, d’une lumière intérieure grandissant dans le cœur et qui
Ainsi, l’homme ne peut pas avoir accès à une
Le Président Mitterrand se posait, parmi bien d’autres, cette question essentielle. Alors qu’on l’interrogeait sur ce qu’il souhaiterait entendre
D’autres, par la foi, espèrent une vie éternelle, ce qui est certes rassurant. Pouvoir gagner sa place au Paradis ou à la droite d’Allah est un puissant secours dans les épreuves de chaque jour.
Certains par ailleurs, feignent le plus complet détachement : « La mort ne me concerne pas. Quand je suis là, elle n’est pas là. Quand elle
Face aux lépreux de Calcutta, devant les visages miséreux des enfants happés par la mort, la religieuse ne perçut pas le signe attendu et nous le fait savoir aujourd’hui.
Trop de solitudes, trop de prières se brisent sur les écueils de l’égoïsme. « J'appelle, je m'agrippe, j'en veux, et il n'y a personne pour répondre, personne à qui m'accrocher, non, personne. Je suis seule. » Combien de naufragés de la vie peuvent se reconnaître dans les propos de mère Teresa. Et combien n’ont pas sa force pour surmonter les épreuves d’un monde difficile…
L’inquisition étant bien loin, je ne pense pas que le très dogmatique Benoit XVI fasse un procès post mortem à Mère Teresa et interdise les portes très sélectives de la canonisation à celle qui disait « Si je deviens une Sainte, je serai surement celle des ténèbres, je serai continuellement absente du Paradis ».
Peut-être sera-t-il interpellé par elle dans ses rigidités doctrinaires et ouvrira-t-il les portes de l’église aux divorcés, aux pêcheurs, aux Marie-Madeleine, pour un renouveau indispensable d’une église Catholique qu’il est en train d’éroder. Car le but d’une religion est de rassembler les brebis, pas d’exclure et de prononcer des anathèmes intransigeants.
Le mariage des prêtres, l’ordination des femmes, l’évolution envers les meurtris de la
Oui, le doute m’habite. Dans ma foi. Il m’arrive également de douter de l’homme qui n’en finit pas de me déconcerter par son égoïsme, sa morgue, ses penchants pour la facilité, son souci besogneux à détruire la planète, sa faible propension à manifester de l’humanité et de la tolérance envers ses frères.
Que nous reste-il alors ? Justifier notre existence sur terre en étant utile aux autres dans le cadres de règles avérées qui fondent et garantissent la survie de la communauté : « Liberté, Egalité, Fraternité ». Oui,
Plus de Fraternité. Faisons éclore chaque jour ce principe comme un éternel printemps qui apportera de la Lumière à nos semblables. Et que les hommes de bonne volonté irradient Amour et
Pour établir une sympathique synthèse entre le monde réel et le doute, demandons le concours souriant de Woody Allen : " Il ne fait aucun doute qu'il existe un monde invisible. Cependant, il est permis de se demander à quelle distance il se trouve du centre ville et jusqu'à quelle heure il est ouvert".
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