dimanche 28 octobre 2007

Un village dans la ville



La cité des antiquaires


Si Bordeaux est une ville réputée pour sa richesse architecturale et ses pages d’histoire, elle sait exprimer également la mise en valeur de l’ancien et le souci de préserver et de transmettre le patrimoine. Les nombreux antiquaires qui y sont installés s'associent à cette volonté.

Ils se sont regroupés sur l’une des parties emblématiques de la cité, « les Chartrons », quartier qui a fait toute la renommée de Bordeaux dès le XVIIéme siècle avec le négoce du vin, ouvrant là une porte prestigieuse vers le monde.

Longeant la Garonne, cet emplacement tient son nom du couvent des Chartreux qui s’y installa à la fin du XIVéme siècle. Véritable cœur de la cité, centre de l’activité économique et de la richesse, creuset de la culture anglo-saxonne, il permettait à toutes les catégories sociales de se côtoyer, de l’armateur au marin.
Un temple protestant, érigé en 1832, reste le témoin de cette empreinte protestante ; il est aujourd’hui désaffecté. La diminution du commerce maritime devait tout naturellement entraîner une mutation de l’habitat et l’arrivée de nouveaux occupants, dont les antiquaires.

Désormais, il constitue, un agréable petit village dans la ville, dont la colonne vertébrale est constituée par la rue Notre-Dame qui ne draine pas moins de 80 boutiques d’antiquité et de brocante.
Celles-ci voisinent aimablement avec des commerces traditionnels, une diversité de restaurants et une halle hexagonale, œuvre de Gustave Eiffel. Couverte de verre et chastement habillée de pierre rénovée et de métal, elle s’avère propice aux manifestations de quartier et aux expositions culturelles.

Le tout vit, s’anime, grouille sous le magistère protecteur de l’église Saint-Louis des Chartrons qui possède en son sein un véritable trésor, le plus important orgue symphonique d’Aquitaine, fabriqué en 1881 et légitimement classé « monument historique ».

On ne marche pas rue Notre Dame. On y chine, on y déambule légèrement en s’imprégnant de l’esprit insouciant qui en émane et des séquences successives qui se présentent à nous. On admire la belle articulation des immeubles XVIIéme siècle d’où émergent des magasins portant vitrines qui exhibent meubles d’époque, tableaux de tous temps, objets anciens, décorations utiles ou futiles…un foisonnement de couleurs et de beauté nous transposant hors de notre époque.

Les vendeurs, au tempérament heureux vous feront volontiers entrer dans leurs boutiques pour en explorer toutes les richesses, apporter les précisions nécessaires, montrer l’estampille qui garantit l’authenticité et…avancer un prix. La discussion, cordiale et gouailleuse, s’ouvre alors.

Salon empire, meubles Louis-Philippe, sièges Louis XV, bureaux plats, commodes de tous styles, consoles de tous âges, miroirs de château XIXéme siècle, buffet Louis XVI, armoires normandes, pièces en marqueterie, confituriers ou verres anciens, argenterie ou vieilles soupières… on trouve de tout dans cette exposition permanente de richesses et parfois de raretés recelées dans ce beau coin de Bordeaux qui possède son esprit, son identité propre.

Depuis 25 ans, l’association des commerçants a l’heureuse idée d’organiser la « fête du vin nouveau et de la brocante » un week-end d’Octobre. C’est la fête au village !
Les villageois, débonnaires, invitent tout le monde à participer, à s’encanailler, à profiter des dégustations de vin nouveau, à se rattacher à une vieille tradition en mangeant des marrons chauds. Chauds les marrons !

C’est leur façon de nous inviter à fêter l’automne.

« Quand revient le vent de l’automne,
Je pense à tout ce temps perdu.
Je n’ai fait de mal à personne,
Je n’ai pas fait de bien non plus.
Et j’ai le cœur gros… » Hugues AUFFRAY

Durant ces deux jours, chassons spleen et mouron.
Laissons-nous porter par les orchestres de jazz qui nous entraînent dans les rues, vibrons avec les fanfares, et observons avec ravissement les déhanchements d’une jolie blonde qui joue habilement du Djambe. Son enthousiasme nous pénètre, son rythme nous habite. Totalement.

Près de 10 000 personnes viennent contribuer à l’événement et en être les acteurs. Des rencontres amicales à chaque coin de rue sont assurées.
Cette ruée tombe bien, car les antiquaires ont déployé à ciel ouvert de grandes tables sur lesquelles s’entremêlent des fatras d’ustensiles et d’objets divers pour toutes les bourses. La sollicitation est permanente, la promenade est bon enfant. C’est la balade des gens heureux.

Même monsieur le curé, peu avare de prodigalités, donne sa bénédiction à la fête au sortir de la messe du dimanche matin. Le mariage du vin nouveau et de la brocante valent bien une messe !


Aucun commentaire: