Ma boussole intérieure fut un instant désorientée. Ma culture de latin tenta cependant d’y retrouver de familiales déclinaisons.
Car mon âme de berbère avait coutume de m’attirer par magie vers les contrées du Sud, riches de soleil, de saveurs et de mystères épicés. Ma soif de désert me permettait d’entrer en connivence avec ces êtres au regard beau et franc, qui hissent la convivialité au niveau d’un raffinement qui reconnait, avec le plus grand naturel, l’étranger comme un frère. Ainsi, mon tempérament me conduisait à me sentir chez moi au milieu de mélopées enivrantes et variées, bercé par l’appel du Muézin, les rires et la spontanéité amicale des peuples d’Afrique du Nord. Je préférais les babouches et les djellabas aux queues de pie…
Alors, un choc culturel vrombit dans mon esprit tandis que s’entrechoquaient en moi les images et les clichés les plus caricaturaux liés à nos amis anglais : Brandy et petits pois fluorescents, Pudding et ruissèlements de pintes, chapeaux melon et bibis bariolés, Major Thompson et vieilles Ladies, Guerre de cent ans et Fachoda, « perfide Albion » mais aussi « entente cordiale », mini jupes et rondeurs généreuses qui déconcertent les plus avertis, monarchie décalée et fastes surannés, conduite à gauche et bus à impériale, la City et les clubs select, relève de la garde et bijoux de la couronne, « God save the Queen » et « My fair Lady », sans oublier le prince Charles, un homme qui sait si bien parler à ses poireaux et à ses carottes, …
Je trouvais alors une heureuse conjonction : le thé. Celui-ci intervint comme un élément fédérateur et réjouissant, qu’il soit apprécié dans l’arrière boutique de la Medina ou dans un salon huppé qui fait encore le charme de la vieille Angleterre.
Alors, confiant, aspiré irrésistiblement par une jolie étoile qui justifiait ce bref dépaysement, je me hasardais vers la route céleste qui me conduisait vers Londres.
Premier constat : en Angleterre, il y a les anglais. Et ils avancent par flots bariolés dans les rues de Londres, se déversent abondamment dans les bus et les métros, se campent en rangs disciplinés dans les files d’attente, se promènent clairsemés dans Bond Street, la rue de toutes les grandes marques et de toutes les ostentations, flânent placidement dans les magnifiques parcs qui foisonnent dans cette ville internationale qui a fait de l'exigence multiculturelle une richesse et de l’intégration une sage obligation, au demeurant parfaitement réussie. Les HLM voisinent avec les demeures bourgeoises, les classent sociales se côtoient … démarche que nous avons malheureusement occultée en France.
La vieille Angleterre sait toujours affirmer son lustre dans l’expression d’un héritage fièrement revendiqué. Les salons de thé cossus et feutrés sont fréquentés sur rendez-vous et voient défiler plusieurs serveurs dûment apprêtés pour vous servir au mieux. Les boutiques de vêtements exhibent l’éternel chic londonien que l’on ne retrouve hélas pas du tout dans les tenues vestimentaires qui sévissent dans les rues. Les magasins chics montrent avec une parcimonie savamment orchestrée la rareté de leurs produits et l’excellence de leur origine… Ici Londres… l’Angleterre agite doucereusement tout ce qui fit le faste et l’élégance de sa culture.
Et… qui dit Grande-Bretagne dit Monarchie. Le républicain que je suis se retrouva au cœur des répétitions des grandioses et disproportionnées cérémonies qui vont accompagner la Reine pour fêter la semaine prochaine ses 86 ans.
Si chacun sait que la reine règne, mais ne gouverne pas, il est aussi aisé de comprendre que le coût d’un tel anniversaire dont chacun percevra l’importance majeure en 2011, en pleine crise économique et sociale, apparaît pharaonique : voies neutralisées, barrières dressées, bobies mobilisés, gardes à cheval fièrement campés sur leurs montures par dizaines, fanfares majestueuses, estrades avec le rituel incontournable du piquetage coloré des chapeaux qui parsèment l’horizon comme des confettis multicolores. Une véritable macédoine humaine dignement positionnée qui observe doctement une simple répétition.
Car ce n’est en effet qu’une répétition concernant une vieille souveraine qui symbolise cependant l’unité nationale, la permanence de l’âme anglaise… Malgré les aléas de l’histoire, la gravité d’un contexte international qui laisse tant d’êtres sur le bas côté de la route, la Monarchie affiche la permanence et la force d’une Angleterre qui se veut éternelle.
La foule était là, disciplinée et au rendez-vous, admirant le chatoiement des couleurs, écoutant la pompe de musiques lourdes et essoufflées, béate devant la rigueur impeccable d’un protocole qui ne saurait souffrir la moindre fausse note. Même les arbres fleurissaient de grappes humaines pour tenter de récolter un angle de vue favorisant la vision du plus grand nombre de pompons…
Ma visite continua avec un guide dont je sus apprécier le zèle, l’érudition et l’efficacité.
Cette étoile me guida avec douceur dans les méandres d’une ville en ébullition et dont le foisonnement de vie et de culture, la richesse des nationalités et des styles, les contrastes forts et déroutants autorisés par une tolérance qui semble flotter dans les airs, justifient assurément un indispensable retour vers cette séduisante cité.
J’ai trouvé ma bonne étoile...
Thank you my God...
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