Cher ami, chère amie
Vous entrez dans un blog qui exprime la passion de vivre et de partager. Les mots et les couleurs reflètent une perception de la ville et de l'environnement, un voyage vers les autres. Pour promouvoir un dialogue entre les cultures, nourrir un échange fécond avec les diversités, les regards d'hommes et de femmes. Enrichissons nous des parcelles de différences existant dans l'autre, sachons voir les beautés autour de nous. Ouvrons nos yeux avec bienveillance. Pascal JARTY
En cette après midi qui voyait le soleil flirter timidement avec les nuages, je cheminais vers la Mairie de Bordeaux, cette maison du peuple si chère à mon cœur afin d'assister à un mariage familial.
Laetitia, ma fille aînée devait officier en sa qualité d'élue municipale et devait présider cette cérémonie, ce qui justifiait largement le mélange de fierté et d'émoi qui m'habitait..
Je craignais d'arriver en retard et de manquer une phase essentielle de notre rituel républicain, car de sympathiques policiers déviaient la circulation...
Mais qu'était-ce donc ? Encore une manifestation dont nous avons le secret et qui constitue une estampille française notoire ? Un ministre présent à Bordeaux qui utilise les coupe-files avec désinvolture ? Un hommage rendu aux 85 ans rutilants de la Queen ? Une fuite d'eau, de gaz ? Tant de possibilités qui viennent ponctuer nos quotidiens d'inattendus et de contrariétés...
Je vis de loin un char et des silhouettes qui s'animaient en vibrionnant, j'entendis de la musique, je perçus le brouhaha d'une ambiance amusante... Ce devaient être les amis des mariés qui développaient un aimable et souriant scénario pour fêter dans la liesse les heureux élus de l'Amour du jour.
Je me dirigeais vers les forêts de ballons, et entendis de façon plus précise les symphonies désordonnées des rires et des échanges verbaux issus de la manifestation... La Gay Pride ! Bon sang, mais c'est bien sur... Le cortège bon enfant dévidait son cours le long de l'Hôtel de ville et faisait entendre la musique colorée de ses revendications.
Je glissais le long du char et hâtais le pas pour retrouver un autre cortège, celui de la noce familiale.
Les mariés étaient là, sourires éclairant largement leurs charmants visages, le regard irradiant d'un bonheur qui, je l'espère, les accompagnera tout au long d'une longue vie fleurie.
Et je vis... une charmante jeune femme ceinte de l'écharpe républicaine.
Dieu ! Mais que Marianne était jolie...
Que le papa était fier de voir sa fille assumer avec une élégance naturelle la mission d'officier d'Etat Civil. Je repensais avec émotion à mes mandats d'élus qui me conduisirent, aux côtés de Jacques Chaban Delmas, à exercer moi aussi ces nobles responsabilités.
Une intense émotion m'habita... La transmission qui a toujours présidé à mon rôle de père présentait un jour souriant. Ma fille, éduquée dans les valeurs vivantes de la République, ma grande chérie qui faisait rimer sourire avec respect et tolérance, ma Laetitia qui entendit égrener de ma bouche la riche déclinaison d'un gaullisme social plus que jamais nécessaire, offrait la jolie silhouette d'une Démocratie moderne et prometteuse.
Elle officia avec brio.
Ce jour là, chacun fut dans son rôle.
La représentante du Maire exprima une dignité souriante.
Les mariés exhalèrent une joie immense.
Leurs parents laissèrent perler une pudique émotion.
Les invités chahutèrent gentiment.
La Gay Pride, à l'extérieur déroula son serpentin joyeux.
Le père que j'étais engrangea une secrète émotion.
Et l'amoureux fut interpellé par ce joli mariage (!)
« Où vais-je ? » me dis-je en salle d’embarquement en observant mes congénères d’un vol qui allait me transposer vers une île qui n’évoquait que de très loin les chaleurs tropicales, les palmiers et les fleurs oiseaux : cheveux blancs impeccablement coiffés ou cranes rasés
surplombant des visages ronds, rougeurs témoignant d’accents prononcés pour de terrestres convivialités, tee-shirts mal repassés et sandalettes, piercings et tatouages désordonnés , accents britishs sélects ou plébéiens… Cet univers faisait chanter sous mes oreilles les expressions les plus convenues, « Indeed », « My God », « Oh, dear »…
Certes, cela me remémora les premiers émois qu’occasionna dans mon petit cœur, et même dans mon corps innocent, un charmant professeur d’Anglais qui m’initia dès le collège aux subtilités d’une langue aux prétentions universelles. Certes, je ressentis le spleen romantique qui habitait l’adolescent que j’étais quand je parcourrais la lande du Devon le long de falaises désespérées de désespérance, en compagnie sympathique de mouettes aux cris pathétiques. Ou bien encore, je revis l’arrogance de nos amis d’Outre Manche colonisant à outrance une Costa del Sol qui a désormais son littoral gangréné par le béton.
Ma boussole intérieure fut un instant désorientée. Ma culture de latin tenta cependant d’y retrouver de familiales déclinaisons.
Car mon âme de berbère avait coutume de m’attirer par magie vers les contrées du Sud, riches de soleil, de saveurs et de mystères épicés. Ma soif de désert me permettait d’entrer en connivence avec ces êtres au regard beau et franc, qui hissent la convivialité au niveau d’un raffinement qui reconnait, avec le plus grand naturel, l’étranger comme un frère. Ainsi, mon tempérament me conduisait à me sentir chez moi au milieu de mélopées enivrantes et variées, bercé par l’appel du Muézin, les rires et la spontanéité amicale des peuples d’Afrique du Nord. Je préférais les babouches et les djellabas aux queues de pie…
Alors, un choc culturel vrombit dans mon esprit tandis que s’entrechoquaient en moi les images et les clichés les plus caricaturaux liés à nos amis anglais : Brandy et petits pois fluorescents, Pudding et ruissèlements de pintes, chapeaux melon et bibis bariolés, Major Thompson et vieilles Ladies, Guerre de cent ans et Fachoda, « perfide Albion » mais aussi « entente cordiale », mini jupes et rondeurs généreuses qui déconcertent les plus avertis, monarchie décalée et fastes surannés, conduite à gauche et bus à impériale, la City et les clubs select, relève de la garde et bijoux de la couronne, « God save the Queen » et « My fair Lady », sans oublier le prince Charles, un homme qui sait si bien parler à ses poireaux et à ses carottes, …
Je trouvais alors une heureuse conjonction : le thé. Celui-ci intervint comme un élément fédérateur et réjouissant, qu’il soit apprécié dans l’arrière boutique de la Medina ou dans un salon huppé qui fait encore le charme de la vieille Angleterre.
Alors, confiant, aspiré irrésistiblement par une jolie étoile qui justifiait ce bref dépaysement, je me hasardais vers la route céleste qui me conduisait vers Londres.
Premier constat : en Angleterre, il y a les anglais. Et ils avancent par flots bariolés dans les rues de Londres, se déversent abondamment dans les bus et les métros, se campent en rangs disciplinés dans les files d’attente, se promènent clairsemés dans Bond Street, la rue de toutes les grandes marques et de toutes les ostentations, flânent placidement dans les magnifiques parcs qui foisonnent dans cette ville internationale qui a fait de l'exigence multiculturelle une richesse et de l’intégration une sage obligation, au demeurant parfaitement réussie. Les HLM voisinent avec les demeures bourgeoises, les classent sociales se côtoient … démarche que nous avons malheureusement occultée en France.
La vieille Angleterre sait toujours affirmer son lustre dans l’expression d’un héritage fièrement revendiqué. Les salons de thé cossus et feutrés sont fréquentés sur rendez-vous et voient défiler plusieurs serveurs dûment apprêtés pour vous servir au mieux. Les boutiques de vêtements exhibent l’éternel chic londonien que l’on ne retrouve hélas pas du tout dans les tenues vestimentaires qui sévissent dans les rues. Les magasins chics montrent avec une parcimonie savamment orchestrée la rareté de leurs produits et l’excellence de leur origine… Ici Londres… l’Angleterre agite doucereusement tout ce qui fit le faste et l’élégance de sa culture.
Et… qui dit Grande-Bretagne dit Monarchie. Le républicain que je suis se retrouva au cœur des répétitions des grandioses et disproportionnées cérémonies qui vont accompagner la Reine pour fêter la semaine prochaine ses 86 ans.
Si chacun sait que la reine règne, mais ne gouverne pas, il est aussi aisé de comprendre que le coût d’un tel anniversaire dont chacun percevra l’importance majeure en 2011, en pleine crise économique et sociale, apparaît pharaonique : voies neutralisées, barrières dressées, bobies mobilisés, gardes à cheval fièrement campés sur leurs montures par dizaines, fanfares majestueuses, estrades avec le rituel incontournable du piquetage coloré des chapeaux qui parsèment l’horizon comme des confettis multicolores. Une véritable macédoine humaine dignement positionnée qui observe doctement une simple répétition.
Car ce n’est en effet qu’une répétition concernant une vieille souveraine qui symbolise cependant l’unité nationale, la permanence de l’âme anglaise… Malgré les aléas de l’histoire, la gravité d’un contexte international qui laisse tant d’êtres sur le bas côté de la route, la Monarchie affiche la permanence et la force d’une Angleterre qui se veut éternelle.
La foule était là, disciplinée et au rendez-vous, admirant le chatoiement des couleurs, écoutant la pompe de musiques lourdes et essoufflées, béate devant la rigueur impeccable d’un protocole qui ne saurait souffrir la moindre fausse note. Même les arbres fleurissaient de grappes humaines pour tenter de récolter un angle de vue favorisant la vision du plus grand nombre de pompons…
Ma visite continua avec un guide dont je sus apprécier le zèle, l’érudition et l’efficacité.
Cette étoile me guida avec douceur dans les méandres d’une ville en ébullition et dont le foisonnement de vie et de culture, la richesse des nationalités et des styles, les contrastes forts et déroutants autorisés par une tolérance qui semble flotter dans les airs, justifient assurément un indispensable retour vers cette séduisante cité.
Républicain, militant associatif au service des autres.
Amoureux de la vie, de la beauté des êtres et des choses...
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